QUEL MONDE VOULONS-NOUS ?
Immigration choisie, chasse aux sans-papiers, tests ADN...
Un nouveau cran dans l’inhumanité est franchi. Sophie Celton,
responsable de la commission Migrations du PCF, fait le point de cette triste
actualité
Communistes n°279
Les mesures Sarkozy ne marquent- elles pas la fin
du pacte républicain ?
Evidemment, avec toutes les mesures du gouvernement Sarkozy,
on assiste à une dérive idéologique extrêmement préoccupante et grave pour
notre futur. Tous les citoyens, les démocrates en France et dans le monde sont
concernés. Les lois Ceseda et aujourd’hui le projet de loi Hortefeux avec la
remise en cause du regroupement familial (même si le Sénat retoque, pour
l’instant, les tests ADN) et le droit d’asile dessinent notre monde. Ils
mettent en place des politiques réactionnaires et xénophobes.
C’est aux antipodes de notre déclaration des droits de
l’Homme et de notre pacte républicain qui se fonde sur l’égalité et les
libertés individuelles. On oppose identité et biologie. Ils nous organisent un
monde autoritaire et sécuritaire où l’autre est toujours l’ennemi. En cela le
discours de Sarkozy à Dakar m’a profondément heurtée et a beaucoup scandalisé
les Africains eux-mêmes.
Aminata Traoré l’a vraiment ressenti comme un discours
post colonialiste. Elle dit : « L’Afrique n’est pas pauvre, ce sont
les peuples qui sont appauvris. » On est passé d’un colonialisme de pillage
des ressources à un colonialisme de pillage des intelligences.
Des voix s’élèvent contre cette politique, dont
celle du PCF. Quelle politique alternative propose-t-il ?
Fort heureusement des personnes, des associations
résistent. UCIJ, RESF, appel lancé dans l’Humanité, l’initiative
« migrance 2007 ».
L’horizon « des possibles » est donc d’actualité
en lien avec toutes les questions sociales. Je crois que les migrations sont
intimement liées à la réalité du monde actuel. On peut donc lui opposer une autre
conception, basée non pas sur la rentabilité et le pillage mais sur la
coopération et le développement durable. Dans l’immédiat, le PCF propose la
régularisation de tous les sans-papiers, la liberté de circulation, le droit
d’asile. Des propositions qu’il a formulées dans une brochure « Migrants,
le monde en mouvement* ». Avec les premiers concernés, il nous faut
travailler et approfondir des réponses collectives.
On a besoin d’une confrontation populaire sur toute une
série de questions souvent complexes.
Quelles mobilisations pour les prochains
mois ?
Nous sommes révoltés lorsque des enfants sont détenus dans
des centres de détention, lorsque des femmes se défenestrent de peur d’être
emmenées ou encore lorsque des gens se suicident. L’urgence est là.
Des dates sont déjà fixées : 20 octobre,
rassemblement organisé par l’UCIJ où nous sommes partie prenante ; la
semaine d’action du 27 octobre nous prendrons des initiatives ; semaine de
votation citoyenne en décembre ; la mobilisation autour des personnes en
procès dans les prochains jours pour « délits de solidarité » comme
Florimond Guimard, François Auguste et autours des maires poursuivis pour avoir
organisé des votations citoyennes tel que Michel Beaumale. Des pétitions
circulent.
Les élus communistes sont nombreux à organiser des
parrainages de sans-papiers. Ils continuent de le faire contre un avis exprimé
dans une lettre par les préfets qui leur demandent d’arrêter ces démarches
politiques. Ils sont aux avant-postes pour le droit des Roms. Une véritable
volonté du gouvernement de briser le mouvement politique citoyen de rébellions
existent, mais il se heurte à une résistance militante très déterminée qui
trouvera encore une résonance avec « Migrance 2007 » au Mali. Nous
voulons donner à voir en France ce qui se passera là-bas et apporter notre
pierre ici aux réponses qui s’exprimeront. Nous sommes en train d’y travailler.
Interview
réalisée par Cécile Jacquet
Sans culpabiliser d'un colonialisme que je n'ai pas fait, mais sans vouloir à tout prix accueillir la terre entière sur un territoire, qui, peut-être, en fin de compte, n'est pas le mien, quelle est la demi-mesure ? La vraie forme de justice serait peut-être de rendre (ou de laisser) à César ce qui est à César. C'est-à-dire, permettre aux pays sous-développés ou en voie de développement la réelle opportunité de se développer et d'exploiter leurs richesses comme bon leur semble. Une forme de colonialisme indirect est toujours en place d'où une "riposte" du commerce équitable. Notre société occidentale est un miroir aux alouettes aux ressources qui seront amenées à disparaitre si nous n'y remédions pas. S'il doit y avoir contrôle de l'immigration, elle doit se faire dans la dignité humaine. Pas dans une sorte de code génétique qui n'a aucun respect de la vie privée. C'est dans l'information et l'accompagnement de l'étranger que doit se diriger la politique nationale. Si l'on peut comprendre qu'un émigrant doit parler, lire et écrire un minimum de français, c'est pour son insertion dans la société. Mais un être humain ne doit pas être considéré comme un vulgaire animal que l'on étiquette ou que l'on tatoue.
Croyez-vous que l'on puisse un jour voir cela ?