INTERVIEW DE JEAN-CHRISTOPHE PICARD
Interview réalisée par
mail auprès de Jean-Christophe Picard, président du Parti Radical de Gauche des
Alpes-Maritimes.
Cendra : Jean-Christophe Picard, vous être le président du
PRG 06 et vous avez déposé, je crois, deux recours contre la liste de Christian
Estrosi. Vous avez bien conscience que cela lui permet, temporairement, de
rester au Conseil Général.
Quelles en sont vos motivations premières ?
Jean-Christophe Picard : L’objectif de mon recours est d’annuler les
opérations électorales du premier tour. Si certains en profitent pour cumuler
les mandats et les indemnités pendant six mois de plus, c’est regrettable. Mais
d’un autre côté, je me dis que le code électoral est fait pour être respecté.
Mon premier grief porte sur la
présence de la mention « Parti Radical de Gauche », accolée à un colistier de
Christian Estrosi, sur le bulletin de vote de la liste « Nice Ensemble ». C’est
une indication mensongère. Ce vol d’investiture, de nature à créer une
confusion parmi les électeurs, a porté préjudice à la liste « Nice Arc-en-ciel
» dont le PRG était une des composantes.
Mon deuxième grief porte sur une
rupture d’égalité entre les candidats. Il est clair que Christian Estrosi a
bénéficié de moyens disproportionnés et anormaux, comme ce jet privé qui l’a
déposé à Nice….
Cendra : Quelles sont vos réactions aux résultats de ces
élections municipales et pensez-vous qu’elles auraient été « jouables » pour la
gauche ?
Jean-Christophe Picard : Notre liste « Nice Arc-en-ciel » (MoDem, PRG et
MEI) a obtenu 3,11 %. Je pense, bien évidemment, que nous pouvons faire
beaucoup mieux en partant plus tôt pour compenser la différence de moyens avec
les autres candidats.
Concernant l’ensemble de la gauche, à partir du moment où elle était éparpillée
sur quatre listes avec un PS recroquevillé sur ses courants et ses sempiternels
alliés, elle n’avait aucune chance. Je fais partie de ceux qui pensent que la
gauche gagnera quand elle aura envie de gagner !
Cendra : Pourquoi avoir choisi le MoDem comme partenaire
plutôt que le Parti Socialiste,
où vous auriez eu une place éligible ?
Jean-Christophe Picard : Pour qu’une place soit éligible, il faudrait
d’abord qu’elle soit acceptable !
Et puis, je pense que la question n’est pas d’obtenir une place éligible pour
le PRG… mais de faire gagner la gauche !
Le PRG avait posé plusieurs conditions
préalables à une éventuelle alliance avec le PS :
- présence d’une seule liste socialiste et pas deux (ce que nous aurions pu
obtenir si l’ensemble des partenaires du PS l’avaient exigé !) ;
- désignation de la tête de liste par toutes les formations politiques de
gauche et leurs sympathisants (ce qui lui aurait conféré la plus grande
légitimité possible) ;
- ouverture vers le centre (PRG mais aussi MoDem et MEI).
Hélas, aucun de ces préalables n'a été levé … ni même sérieusement envisagé !
En outre, l’ordonnancement de la liste
s’est fait sur des considérations ahurissantes : ne pas contrarier les courants
internes du PS, éviter que certains partenaires n’aillent sur la liste Mottard…
À aucun moment, la valeur personnelle des candidats n’a été évoquée. Dans ces
conditions, les radicaux de gauche n’avaient pas leur place.
Au contraire, au MoDem et au MEI, nous
avons eu des interlocuteurs qui partageaient notre envie de changer les pratiques
politiques…
Cendra : Au lendemain de la main tendue de Christian Estrosi
à l’opposition, d’un premier
refus, puis d’une acceptation, sous certaines conditions, de l’opposition de
gauche, pourriez-vous nous dire votre sentiment ? A qui profitera réellement
cette présence des élus de la liste de gauche dans les différentes instances
municipales ?
Jean-Christophe Picard : Sur le principe, nous approuvons le renforcement
du rôle de l’opposition municipale proposé par Christian Estrosi et accepté par
Patrick Allemand.
Néanmoins, cet accord appelle, de notre part, plusieurs observations…
Tout d’abord, nous aurions aimé que
tous les éléments de la négociation soient rendus publics. Dans cet esprit, il
aurait été convenable d’annoncer les effets de cette décision sur le montant
des indemnités des élus de l’opposition, notamment ceux appelés à siéger à la
Canca (qui verront leurs indemnités passer de 224 € à 1 271 €). À notre sens,
tout accord entre majorité et opposition ne peut se faire que dans la plus totale
transparence.
En outre, il n’est pas satisfaisant
que la présence de l’opposition à la Canca dépende du bon vouloir de la
majorité. Il est notamment anormal que la liste de l’Entente républicaine, qui
a obtenu 25 % des voix, n’y ait aucun représentant.
Christian Estrosi s’est donc octroyé, au mépris du suffrage universel, le droit
de choisir l’opposition avec laquelle il souhaite travailler ; c’est
inacceptable ! Nous rappelons que la liste « Nice Arc-en-ciel » avait proposé
de transformer l’actuelle « communauté d’agglomération » en une « communauté
urbaine », ce qui permettrait à tous les élus d’opposition de siéger de plein
droit (les conseillers communautaires étant désignés au scrutin proportionnel).
Enfin, il convient de rappeler que le
rigoureux Jean-François Knecht a disparu et qu’il n'a pas été remplacé. Les
autres membres de son groupe n’ayant pas fait preuve de la même maîtrise des
dossiers que lui, il est à craindre que le seul contrôle de l’opposition ne
suffise pas à empêcher les malversations et le gaspillage de l’argent public.
Nous espérons donc que les outils de la démocratie participative seront
renforcés afin que l’ensemble des citoyens
puisse évaluer l’action municipale tout en étant associé aux décisions.
Cendra : Le 18 mars, sur Nice-Matin, Alain Dutertry,
secrétaire Général du PRG 06, exprimait son désaccord avec vous quant à
l’exclusion de Jean-Michel Galy, présent sur la liste de Christian Estrosi, et
notamment, sur le fait que personne n’ait été consulté. Qu’avez-vous à dire ?
Jean-Christophe Picard : Sur le fond, l’exclusion de Jean-Michel Galy était
inévitable : il s’est présenté sur la liste UMP et donc contre les candidats
PRG dûment investis qui figuraient sur la liste « Nice Arc-en-ciel ».
Circonstance aggravante : il continuait à arborer le sigle PRG… Indéfendable !
Sur la forme : Alain Dutertry a raison
quand il dit que la fédération des Alpes-Maritimes ne pouvait pas exclure
Jean-Michel Galy… D’ailleurs, elle ne l’a pas fait ! Il s’agit d’une décision
prise – à l’unanimité – par le bureau national du PRG.
Cendra : Patrick Mottard, ayant voulu présenté sa propre
liste, ne croyez-vous pas que son exclusion soit tout aussi logique ?
Jean-Christophe Picard : Cela n’a rien à voir ! D’une part, Patrick Mottard
n’était pas candidat sur la liste UMP. D’autre part, Jean-Michel Galy n’avait
pas été poussé vers la sortie.
Cendra : Plus important encore, que craignez-vous, les 6 prochaines
années, pour l’avenir
de Nice, et, notamment, pour les plus démunis ? Quels pourraient en être les
points positifs ?
Jean-Christophe Picard : Je suis pessimiste.
À droite, l’UMP a recasé les anciens
élus de l’ère Médecin, Barety et Peyrat…
Cela promet !
À gauche, le PS a recasé quasiment
tous les sortants qui se sont pourtant illustrés par des votes assez
pittoresques (nouvelle mairie, conseils de quartier, Castel-des-Deux-Rois,
grande mosquée, doublement de la voie rapide, antennes-relais…)… Cela promet
aussi !
Cendra :
En tant que Président du PRG 06, quelle sera votre position pour ces prochaines
années, et, comment comptez-vous être présents sur la scène politique ?
Jean-Christophe Picard :
À Nice, même si je ne suis pas élu, je suis parvenu à peser sur un certain
nombre de décisions en déposant des recours, en participant aux enquêtes et aux
débats publics, en diffusant des communiqués de presse… Eh bien, je
continuerai à le faire !
Dans le reste du département, nous avons obtenu trois élus (un maire et deux
conseillers municipaux).
Nous participerons, bien sûr, aux
prochaines élections partielles (législative dans la 5e circonscription,
cantonale dans le 12e canton).
Je peux également vous annoncer que le
PRG 06 aura, cette fois, des candidats à l’élection régionale de 2010… Ce qui
s’est passé en 2004 avec le PS – qui nous avait évincé – est parfaitement
scandaleux. J’en fais désormais une affaire personnelle !
Cendra : Voyons même plus loin, comment envisagez-vous la
scène « pré électorale de 2013 » ? Les alliances… Les groupes présents…
Jean-Christophe Picard : 2014 plutôt… Difficile à dire. Mais comme, a
priori, l’échec de 2001 n’a pas été pris en compte et que, depuis, on a même
réussi à faire pire, je suis pessimiste sur la suite. Encore une fois, si la
gauche n’a pas envie de gagner…
Cendra : Pourquoi ne pas avoir créé une liste également avec
la liste Nice Autrement de
Patrick Mottard puisque vous semblez critiquer, de façon virulente, le parti
socialiste ? Y avait-il autant de divergences ? Il semble cependant qu'il y a
ait certains points communs comme le non cumul des mandats, la transparence...
et une certaine éthique.
Jean-Christophe
Picard : J’ai
toujours pensé que les partenaires du PS ne doivent pas s’immiscer dans les
problèmes internes de ce dernier. Ils n’ont donc pas vocation à arbitrer les
rivalités… D’ailleurs, comment choisir entre Patrick Allemand, qui a été
régulièrement investi par 372 adhérents PS, et Patrick Mottard, qui a derrière
lui un comité de soutien de 500 adhérents PS ?
Nous ne pouvons que regretter que notre proposition d’organiser des « primaires
à l’italienne » pour désigner la tête de liste de la gauche unie n’ait pas été
retenue… Nous n’en serions pas là !
A télécharger en PDF : INTERVIEW.