AFGHANISTAN
François Fillon a annoncé mardi devant le Parlement que la
France dépêcherait "quelques centaines de soldats supplémentaires" en
Afghanistan, qui ne "doit plus jamais redevenir le foyer du
terrorisme".
En préambule du débat sur l'engagement militaire français
en Afghanistan, le Premier ministre a précisé que Nicolas Sarkozy détaillerait
mercredi, au sommet de l'Otan de Bucarest, les modalités de ce déploiement, qui
"ne sont pas encore arrêtées".
"Nos forces armées engagées en Afghanistan peuvent
être amenées à s'investir davantage dans les échelons du commandement en
particulier à Kaboul, dans la formation de l'armée afghane, dans les unités
réparties dans les provinces d'Afghanistan pour y assurer la sécurité des
populations et y garantir les progrès de la reconstruction", a-t-il
déclaré.
"Les effectifs pourraient être de l'ordre de quelques
centaines de soldats supplémentaires", a-t-il ajouté.
Le retrait des forces françaises d'Afghanistan, dont
l'opposition craint qu'il ne devienne un "nouveau Viêtnam", "serait
le signe que nous n'assumons plus nos responsabilités vis-à-vis de l'Onu et que
nous rompons la solidarité qui nous unit à nos plus fidèles alliés", a
expliqué François Fillon.
"Nous amplifions ensemble les chances de la
paix" en engageant plus avant l'armée française, a-t-il assuré.
"C'est un combat difficile, mais c'est un combat qui est juste".
Le débat n'est pas suivi d'un vote, contrairement à ce que
souhaitait l'opposition, qui invoque le précédent du 16 janvier 1991, lorsque
le Premier ministre socialiste Michel Rocard avait engagé la responsabilité de
son gouvernement en vue de l'envoi de troupes dans la première guerre du Golfe.
"Il s'agissait d'une opération massive analogue à une
entrée en guerre contre un Etat souverain qui avait envahi son voisin, et
personne ici ne peut confondre cet événement avec celui qui nous occupe à
présent", a justifié François Fillon.
Le Parti socialiste, qui a annoncé le dépôt d'une motion
de censure contre le gouvernement, a dénoncé une décision qui "a peu à
voir avec l'Afghanistan et beaucoup avec l'obsession atlantiste du président
Sarkozy".
"UNE POLITIQUE DANGEREUSE"
"Le chef de l'Etat bouleverse la nature de
l'engagement français en Afghanistan et le consensus national qui
l'entourait", a dit Jean-Marc Ayrault, président du groupe SRC.
"Nous nous opposons fermement à cette politique de
soumission à quelques dirigeants américains portés d'ailleurs essentiellement
par leurs intérêts personnels, une politique dangereuse pour le monde et pour
la France", a affirmé pour sa part le communiste Jean-Claude Sandrier.
Pour l'UMP et le Nouveau Centre, l'envoi de renforts
s'impose. "La stabilisation de cette région est essentielle pour lutter
efficacement contre le terrorisme", a estimé Bernard Deflesselles,
vice-président du groupe UMP.
"Nous sommes à un moment charnière et ne nous y
trompons pas, contrairement à l'Irak, s'il y avait échec dans la lutte contre
le terrorisme et dans la mise en place d'un Etat de droit en Afghanistan, ce ne
serait pas celui des Américains mais celui de la communauté internationale,
donc de la France", a jugé le député du Tarn (NC) Philippe Folliot.
Nicolas Sarkozy a annoncé mercredi dernier sa décision
d'envoyer des renforts en Afghanistan lors d'un discours devant le Parlement
britannique, une initiative jugée cavalière par les parlementaires français.
Quelque 1.500 militaires français sont stationnés
actuellement en Afghanistan, majoritairement dans la région de Kaboul, dans le
cadre de la Force internationale d'assistance à la sécurité (Fias), sous
commandement de l'Otan. Au total, un peu plus de 2.300 hommes sont impliqués.
La France est présente en Afghanistan depuis fin 2001,
mais ses troupes ne sont pas engagées dans les zones les plus risquées, l'Est
et le Sud, où Américains, Britanniques et Canadiens sont confrontés à de
violents combats. Les renforts français pourraient opter pour l'Est, aux côtés
des Américains.
Plus de deux Français sur trois (68%) sont opposés à
l'envoi de renforts français en Afghanistan, selon un sondage BVA publié mardi
dans Sud-Ouest.
Sophie Louet et Emile Picy
Le PS va déposer une motion de censure à l'Assemblée
PARIS (Reuters) - En raison du refus d'un vote au
Parlement sur l'Afghanistan et d'un désaccord sur la politique générale du
gouvernement, le groupe socialiste a l'Assemblée nationale a décidé mardi de
déposer une motion de censure.
"Nous avons décidé ce matin de déposer une motion de
censure qui sera rédigée dans les prochaines heures et qui sera discutée dans
les prochains jours en raison de ce changement complet de stratégie (en
Afghanistan) et pour protester contre la politique économique et sociale du
gouvernement", a annoncé Jean-Marc Ayrault, président du groupe
socialiste, radical et citoyen (SRC), lors de son point de presse hebdomadaire.
Il a également précisé que cette motion de censure sera
déposée en vertu de l'article 49 alinéa 2 de la Constitution.
Le 16 mai 2006, sous la précédente législature,
l'opposition avait déposé en vain -en application de ce même alinéa- une motion
de censure contre le gouvernement de Dominique de Villepin.
Le motion de censure pourrait être déposée mercredi ou
jeudi et examinée le mardi 8 avril, a-t-on appris dans les couloirs de
l'Assemblée.
L'ancien Premier ministre socialiste Laurent Fabius a
déclaré pour sa part dans les couloirs du Palais-Bourbon que cette motion de
censure visait d'abord à dénoncer "le réalignement de la politique
étrangère de la France par rapport à M. Bush".
Cette motion de censure n'a aucune chance d'être adoptée.
Le groupe UMP, qui peut en outre compter sur le groupe du Nouveau centre (NC),
dispose à lui seul de la majorité absolue à l'Assemblée nationale.
Emile Picy