HAUSSE DE L'INFLATION
L'inflation, à 2,8% sur un an, au plus haut depuis 16 ans
PARIS (Reuters) - Les prix à la consommation ont diminué
de 0,1% en janvier en France, sous l'effet des soldes d'hiver, mais avec un
taux d'inflation qui a atteint 2,8% sur un an, son niveau le plus élevé depuis
près de 16 ans, selon les chiffres publiés par l'Insee.
L'indice des prix IPCH, qui permet une comparaison au
niveau européen, n'a pas varié en janvier par rapport à décembre et augmente de
3,2% sur un an, soit un niveau équivalent à l'estimation flash annoncée par
Eurostat pour l'ensemble de la zone euro. Vingt-six économistes interrogés par
Reuters tablaient sur une baisse de 0,2%, correspondant à une inflation sur un
an de 3,0%.
La France, dont le niveau d'inflation a longtemps été
inférieur à celui de la zone euro, a ainsi effectué un rattrapage entièrement
dû à la poussée des prix des produits alimentaires et de l'énergie, qui ont
encore augmenté de respectivement +1,4% et +0,8% en janvier sur un mois.
Les prix des produits manufacturés ont en revanche baissé
de 1,5% et ceux de l'habillement et chaussures de 7,4%.
Les économistes sont partagés quant à savoir si
l'inflation élevée empêchera la Banque centrale européenne de baisser ses taux
mais tous s'accordent à y voir une mauvaise nouvelle de plus pour l'économie
française, alors que le Fonds monétaire international a réduit mercredi sa
prévision de croissance à 1,5% pour 2008, contre 1,9% en 2007, et que la
Commission européenne vient de ramener la sienne à 1,7%.
Le budget 2008 de la France est fondé sur une hypothèse de
croissance de 2,25%.
"Le surcroît d'inflation, conjugué à des facteurs
politiques, contribue au recul du moral des ménages qui lui-même peut modifier
des arbitrages, en faveur, par exemple, du recours au crédit", relève
Nicolas Bouzou, économiste au cabinet d'études économiques Asterès.
"D'autre part, l'augmentation de l'inflation diminue arithmétiquement la
progression du pouvoir d'achat ce qui, en retour, devrait tirer vers le bas la
consommation", phénomène déjà observé au quatrième trimestre et qui
devrait se trouver confirmé au premier trimestre 2008.
+4,2% SUR UN AN POUR LES PRIX ALIMENTAIRES
A 2,8% sur un an, l'inflation est au plus haut depuis mai
1992. Les prix de l'énergie ont augmenté de 12,3% en variation annuelle et ceux
de l'alimentation de 4,2%.
"L'inflation alimentaire, la plus perceptible dans le
caddie de la ménagère, est à un record depuis mars 2002", signale
Alexandre Mirlicourtois chez Xerfi.
"Si sur le pétrole on peut imaginer un effet
temporaire, sur l'agroalimentaire pour l'instant on n'en voit pas. Or c'est une
vraie problématique dans toutes les questions tournant autour des négociations
salariales car la hausse des prix des produits alimentaires, le consommateur
lambda le voit tous les jours", renchérit Philippe Waechter, directeur de
la Recherche économique chez Natixis Asset Management.
La poussée des prix des matières premières agricoles et
les nouveaux records du pétrole - à plus de 100 dollars pour le brut léger
américain mercredi - entretiennent l'incertitude sur la décrue annoncée de
l'inflation dans les prochains mois, même si un effet de base favorable devrait
faire reculer les prix de l'énergie à partir de février.
La Banque centrale européenne, qui a un objectif proche
mais en-dessous de 2% pour l'inflation dans la zone euro, y sera d'autant plus
sensible que l'accord salarial intervenu mercredi dans la sidérurgie allemande
risque d'attiser ses craintes d'"effets de second tour", c'est-à-dire
d'une transmission de la hausse des prix aux salaires.
Le syndicat IG Metall a obtenu pour 85.000 sidérurgistes
de l'ouest de l'Allemagne une revalorisation salariale de 5,2%, sans précédent
depuis 16 ans, qui pourrait bien faire tache d'huile dans d'autres secteurs du
pays après des années d'austérité.
"Les fameux effets de second tour tant redoutés par
Jean-Claude Trichet commencent à poindre", note Alexandre Mirlicourtois.
"A peine entre-ouverte, la fenêtre pour une future baisse des taux
directeurs se referme déjà".
Lors de la réunion monétaire du 7 février, le président de
la BCE avait infléchi son discours en s'inquiétant du "degré
inhabituellement élevé" d'incertitudes entourant la croissance, mais en
restant ferme sur les risques d'effets de second tour.
"Les inquiétudes sur la croissance sont devenues plus
importantes ces derniers mois, mais compte tenu du niveau d'inflation et du
fait qu'il devrait rester élevé pendant une bonne partie de 2008 il est
certainement trop tôt pour dire que la BCE penche pour un biais plus accommodant",
juge Dominic White, économiste chez ABN Amro.
Marc Touati, chez Global Equities, observe toutefois que
l'inflation sous-jacente, c'est-à-dire hors énergie et alimentation, n'a été
que de 1,9% en janvier sur un an.
"Cela confirme que l'inflation n'est pas due à un
excès de demande par rapport à l'offre, mais à un choc exogène lié aux tensions
internationales sur les prix alimentaires et énergétiques", estime-t-il.
"Maintenir le taux (de la BCE) ne ferait aucunement baisser l'inflation à court
terme mais aggraverait le ralentissement économique français et
eurolandais".
Véronique Tison