CITE DE L'IMMIGRATION
La Cité
de l'immigration ouvre ses portes sur fond de polémique
Par
Natacha Crnjanski et Kerstin Gehmlich Reuters - il y a 19 minutes
PARIS
(Reuters) - La Cité nationale de l'histoire de l'immigration ouvre ce mercredi
ses portes, un projet dont les partisans saluent une ouverture contrastant avec
la "méfiance" affichée, selon eux, par le gouvernement vis-à-vis des
immigrés.
En pleine
polémique sur des aspects de la nouvelle loi sur l'immigration - tests ADN pour
les candidats au regroupement familial et accès des sans-papiers à
l'hébergement d'urgence, notamment - l'absence du président de la République et
du ministre de l'Immigration, de l'Intégration et de l'Identité nationale lors
de l'ouverture du musée au public est remarquée.
Nicolas
Sarkozy est en déplacement à Moscou et Brice Hortefeux sera mercredi en Espagne
pour une consultation avec les autorités espagnoles "sur les questions
migratoires"
La
ministre de la Culture, Christine Albanel, sera en revanche présente. Son
ministère, qui devrait financer plus de 40% de son budget total jusqu'en 2009,
présente la CNHI comme un "élément majeur de la cohésion sociale et du
pluralisme culturel".
"C'est
un musée qui concerne l'histoire de 20 à 25% de la population de la France,
(...) qui va pouvoir retrouver à travers ce musée l'histoire de leurs ancêtres
ou sa propre histoire", explique Patrick Weil, directeur de recherche au
CNRS, interrogé par Reuters, qui trouve "un peu choquante" l'absence
du président de la République.
"C'est
une histoire qui intéresse l'ensemble des Français, évidemment."
L'"ELLIS
ISLAND" FRANÇAIS
Cet
historien de l'immigration est l'un des huit universitaires (sur 12 associés au
projet) qui, en mai, ont démissionné des instances officielles de la CNHI -
tout en la soutenant - pour protester contre l'instauration
"inacceptable" d'un ministère de l'Identité nationale.
"Je
pense que (...) ce musée montre l'apport de l'immigration à l'égard de la
France alors que le ministère (de l'Immigration et de l'Identité nationale) est
un signal de méfiance à l'égard de l'immigration", juge-t-il.
"Le
gouvernement est mal à l'aise avec un projet historique qui rapporte des faits
qui se sont produits, plutôt que des préjugés."
Mouloud
Aounit, président du Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les
peuples, regrette quant à lui "un refus manifeste de reconnaître l'apport
au patrimoine historique et culturel français de l'immigration".
"En
cette période où il y a une parole visant à stigmatiser, à faire porter la
suspicion sur les immigrés, cette attitude du gouvernement sonne aussi comme un
gage donné à l'extrême-droite, elle sonne comme une victoire supplémentaire de
l'extrême-droite sur l'immigration en France", a-t-il déclaré à Reuters.
"Cette
inauguration est terriblement polluée par des discours aux antipodes de
l'esprit même de ce musée."
Patrick
Weil compare la CNHI à un "Ellis Island français", en référence au
musée américain de l'Immigration, situé sur une île au sud de Manhattan où
étaient autrefois accueillis et "triés" les immigrés arrivant par
bateau en Amérique.
Un
parallèle avec l'Amérique repris par Jacques Toubon, président de la CNHI.
"La France a une histoire qui est unique en Europe: la France, c'est les
Etats-Unis de l'Europe", a-t-il déclaré à Reuters.
PRENDRE
EN COMPTE LA DIVERSITÉ
"Aux
Etats-Unis, on raconte l'histoire de ce pays comme celle d'un pays
d'immigrants. Ici, nous avions un modèle d'intégration des immigrants qui
comportait l'oubli de leurs origines", explique-t-il.
"Mais
il y a eu une évolution, (...) on comprend à présent que notre modèle
égalitaire s'accompagne d'une prise en compte de la diversité."
Le musée
s'est installé dans le palais de la Porte Dorée, construit pour l'exposition
coloniale de 1931, d'une surface de 16.000m2 et dont l'extérieur, recouvert de
remarquables bas-reliefs de style colonial, est classé.
Le
projet, évoqué pour la première fois à la fin des années 1980, tarde à voir le
jour. La nécessaire impulsion politique viendra, en 2002, de Jacques Chirac -
ce qui explique peut-être, disent les détracteurs du président, pourquoi
Nicolas Sarkozy n'a pas souhaité s'y associer.
"La
nation française a été construite en partie par des millions d'hommes et de
femmes venus dans ce pays, et cette nation est faite de cultures, religions,
races, modes de vie apportés par ces immigrés", souligne Jacques Toubon.
"Notre
projet est de faire connaître et reconnaître l'histoire de l'immigration dans
l'histoire de France pour s'efforcer de changer, et d'améliorer, le regard
contemporain sur l'immigration."
La Ligue
des droits de l'homme, dénonçant un "climat politique dominé aujourd'hui
par la restriction des droits des étrangers", a appelé à un rassemblement
devant la CNHI mercredi.