PROPORTIONNELLE
OLIVIER POGNON. Publié le 23 juin 2007
Le chef de
l'État va engager une série de consultations sur le moyen de faire entrer les
petites formations au Parlement sans mettre à mal le système majoritaire.
NICOLAS SARKOZY s'est dit mercredi sur TF1 «opposé à la
proportionnelle de façon générale», mais « assez tenté »
par la perspective de « réfléchir à une dose de proportionnelle au
Sénat ou à l'Assemblée pour assurer la représentation de la diversité des
courants politiques français ». Le lendemain, après avoir été reçue
par le président de la République, Cécile Duflot, porte-parole des Verts, a
indiqué que celui-ci voulait organiser « une concertation préalable
avec l'ensemble des formations politiques au début de l'été ».
Ensuite, « un groupe de constitutionnalistes » rechercherait
une proposition qui « pourrait faire consensus » ou, en tout
cas, aboutirait à « une forme de compromis ». Il y aurait
alors « une nouvelle phase de discussion », et enfin « la
convocation du Congrès ».
La dose de proportionnelle pourrait donc concerner
l'Assemblée ou le Sénat, le chef de l'État laissant ouvertes les deux
possibilités - contrairement à François Fillon qui a dit à plusieurs reprises
sa préférence pour le Sénat. Les options ainsi envisagées posent un certain
nombre de questions.
→ Que serait une « dose de proportionnelle »
au Sénat ?
Actuellement, elle existe déjà. Dans tous les départements
élisant quatre sénateurs ou plus, les « grands électeurs » les
choisissent à la proportionnelle, au scrutin de liste. Mais, s'il s'agit de promouvoir
« la représentation de la diversité des courants politiques »,
l'élection des sénateurs à la proportionnelle dans le cadre départemental ne
sert à rien. La seule façon d'y parvenir serait de sortir du cadre
départemental. On pourrait alors faire élire un certain nombre de sénateurs à
la proportionnelle sur une liste nationale.
Cette élection devrait-elle être confiée au collège actuel
des grands électeurs - où les petites formations sont peu
représentées - ou au suffrage universel direct ? Dans ce cas, une
réforme de la Constitution serait indispensable puisque le Sénat, selon
l'article 24, « est élu au suffrage indirect » et « assure
la représentation des collectivités territoriales de la République ».
Qu'il y ait une dose, même conséquente, de sénateurs élus à la proportionnelle
aurait l'avantage de maintenir en l'état le système majoritaire à l'Assemblée,
devant qui le gouvernement est responsable et qui a le dernier mot sur la
plupart des textes de loi en cas de conflit. Mais il ne serait sûrement pas
facile d'obtenir que la majorité des sénateurs, dont l'accord serait
nécessaire, accepte ainsi de se faire en partie hara-kiri.
→ Que serait « une dose de proportionnelle »
à l'Assemblée ?
Une idée paraît faire son chemin : qu'une petite partie
des députés soit élue sur une liste nationale à la proportionnelle, les autres
restant choisis au scrutin majoritaire à deux tours. Elle est évoquée depuis un
certain nombre d'années. Jean-Claude Colliard, ancien membre du Conseil
constitutionnel, qui fut rapporteur d'une commission chargée de réfléchir sur
la proportionnelle à la demande de Pierre Bérégovoy en 1991, rappelle que c'est
la solution qui avait permis le consensus à ce moment-là. Il restait à préciser
la proportion exacte de députés qui serait élue à la proportionnelle : les
avis oscillaient entre 10 % et 20 %, le premier chiffre étant
évidemment le plus à même de garantir l'émergence d'une majorité cohérente.
Selon Jean-Claude Colliard, le principe d'une
proportionnelle pour 10 % ou 15 % des députés « permet de
conserver le fait majoritaire ». En moyenne, depuis le début de la Ve République,
observe-t-il, la prime du parti majoritaire a été, grâce au mode de scrutin
actuel, d'environ 20 %. Autrement dit, avec 35 % des voix au premier
tour, il obtient 55 % des sièges (cette fois, l'UMP a eu 44 % des
voix et 60 % des sièges, mais on a noté une « correction » entre
les deux tours). Ramenée à 85 % des députés, cette prime représenterait
encore 17 % des sièges - ce qui suffirait, assure le professeur de droit,
pour que se dégage une majorité.
Quant aux députés élus à la proportionnelle, il faudrait
qu'ils le soient à la proportionnelle intégrale, c'est-à-dire sans seuil. Si
l'on fixait, par exemple, un seuil de 5 % des voix pour avoir des élus, ni
le FN, ni l'extrême gauche, ni les Verts n'auraient pu être représentés à
l'Assemblée, avec le nombre de voix qu'ils ont eu le 10 juin. Faire élire
entre 50 et 80 députés à la proportionnelle intégrale sur une liste
nationale permettrait de porter à l'Assemblée une poignée des représentants de
chacun de ces partis.
Il faut noter qu'une telle réforme peut être menée à bien
sans que la Constitution soit modifiée puisque le mode d'élection des députés
relève de la loi organique. À moins que le président de la République ne
veuille, justement, que ce mode d'élection soit désormais inscrit dans la
Constitution.
→ Une autre question se pose : veut-on conserver le
même nombre de circonscriptions ?
Si c'est le cas, il faut augmenter l'effectif total de
l'Assemblée déjà passée de 489 à 577 en 1986, et alors que l'hémicycle n'est
pas extensible. Si l'on veut s'en tenir à 577 députés, il faut réduire le
nombre de ceux qui sont élus au scrutin majoritaire.