LE SEANCHAI
LE SEANCHAI
12 avril 2007
"Seanchai" is pronounced quite simply "Shana-key"
(D'après un vrai
conte...) mais pas la suite !
Le seanchai a
tout pouvoir. Le réel pouvoir de l’irréel ou du réel.
Il y a bien
longtemps (juste dix-huit heures et trois minutes à peu près), l’inspiration
fut venue.
Bien
qu’inattendue, elle ne causa aucune surprise. Juste une admiration de la
talentueuse plume, bien que sans couleur involontaire ou d’origine.
Le seanchai
décida de réagir, son cœur empli de contes de lointaines terres de non
origines.
Un homme, qui
s’appelait Curithir, vivait avec son père dans un village au bord de la mer.
Sur la côte, s'élevait un monastère et des pierres se dressaient aux alentours,
se levant vers les astres. A intervalles réguliers, les cloches de ce monastère
résonnaient dans le paysage de rêve.
Comme à chaque
tombée des brumes de la nuit, s’élevaient des chants monastiques, louant le
Père.
Les vagues se
jetaient contre les pierres et les brossaient à chaque passage de leurs lames
tourmentées.
Dans les
apparences les plus trompeuses, le calme endormissait le village, plus rien ne
bougeait, excepté le chien de garde de la famille royale. La patte gauche
levée, les oreilles dressées, il s’approcha de la mer et son regard de braise
aperçut des navires étranges au large.
Il s’empressa
d’alerter la famille royale. Curithir réveilla son père et ses frères de sang
et coururent à l’extérieur de leur demeure quand un cri surgit de la nuit.
Le père se tenait
le bras gauche d’où coulait un flot de sang. Il dit à ses enfants : « ne
craignez point la mort comme les Vikings le font mais écoutez… ». D’un endroit
tenu secret, il saisit un glaive, incrusté de pierres précieuses et ciselé
d’argent. Les pierres brillaient de mille feux. « ce glaive est authentique et
nous a longtemps servi. Comme je vous l’ai déjà conté, vous êtes les pâles
descendants d’une longue lignée de combattants des camisoles rouges. Ce glaive
vous rendra invincibles. »
Après ces mots,
le père mourut.
Curithir se
saisit du glaive, se l’appropriant sans se demander s’il lui était
personnellement destiné. Ses frères et lui s’avancèrent vers la côte, pleins de
rêves de victoires. Les Vikings avaient déjà causé maints ravages.
Comme ils
s’approchèrent de la rive, le soleil glissant sur les rocs vers la ligne de
l’horizon, leurs rêves s’accrurent, les rendant immortels…
Il est vrai,
cependant, que l’aube éveille l’esprit à la mortalité. L’Esprit Saint, resté
pur, devait avoir mis le soleil dans les cieux afin que chacun ait la
possibilité et le courage de voir sa mortalité et ses faiblesses.
Les frères se
préparèrent à un long voyage afin de débusquer leurs ennemis. Curithir savait
que désormais, il n’existait plus que comme guerrier servant son roi, et ne
mourrait ou ne vivrait que pour le servir.
Son incarnation
était complète, où le doute n’avait aucune place.
Ils se mirent
donc en route et à la tombée de la nuit, établirent leur camp. Soudain,
Curithir, quand la nuit fut tombée, leva la tête et tendit les deux oreilles
(parce qu’il était un peu sourd) : une voix, sur un air de harpe s’élevait dans
les abois….
« l’amour du
paradis
Soit avec vous…
L’amour des
saints
Soit avec vous… »
Il s’étonna, il
ne comprenait pas.
«l’amour des
anges
Soit avec vous
L’amour du soleil
Soit avec vous… »
De plus en plus intrigué, Curithir, avança dans la nuit. Il suivit la voix, de ses deux pas… mais le chant s’éteignit et Curithir se retrouva seul dans la nuit, une nuit froide…
Une créature posa
son regard sur Curithir. Il s’en senti ragaillardi… Ses frères étaient trop
loin… La femme tenait en ses mains la harpe de rêve mais sa voix s’était tue…
Le regard du Prince lui plut. Mais… effarouchée, elle s’enfuit…
Curithir rejoint
ses frères et la pensée de cette femme étrange ne le quittait plus… dans sa
réalité. Dès l’aube, ils repartirent affronter leurs ennemis. Ils réussirent à
libérer moult populations qui lui vouèrent une passion peu commune. « Vous êtes
notre espoir ! » Les frères quittèrent la population qui, apparemment, n’avait
pas souffert de l’ennemi.
De nouveau sur la
route, toute la sainte journée, ils se reposèrent à nouveau dès que le jour fut
tombé. Splash…
Et la voix se fit
à nouveau entendre… Sur une mélopée de harpe, une voix envoûtante qui se
diffusait par les cieux étoilés…
Curithir leva les
yeux et vit un navire passer au-dessus de lui comme s’il était porté par les
vagues… la femme mystérieuse apparut à nouveau. Curithir lui sourit. Mais il
sembla qu’elle ne le vit plus et s’envola à nouveau. Légèrement énervé,
Curithir se leva brusquement et marcha, la tête dans les étoiles. Zut ! il
était en train de rêver.
Le matin,
décidément, se leva à nouveau, et le troupeau de frères s’en alla en guerre. La
bataille fut rude. De nombreux décès furent à signaler. Les croque morts
étaient débordés. Ils avaient trop à se mettre sous la dent !
Curithir
n’entendit plus la voix de Liadain (ben ouais, c’était son nom), il la crut
morte. En fait, il était devenu complètement sourd.
Et elle
(Liadain), persuadée de la même chose (qu’il était mort) alla se réfugier dans
un monastère (pff, y’a jamais de mystère !), elle s’agenouilla et chanta dans
son langage :
« Dia dha mo
chaim
Dia dha mo
chuairt
Dia dha mo
chainnt
Dia dha mo
smuain… »
…
« Dia dha
m’bhiot-bhuan »
Elle ne voyait
pas. Elle ne voulait pas voir…
Elle voulut en
finir, le quitter à tout jamais… l’enlever de son esprit. Elle espérait y
réussir.
Curithir ne
pensait pas qu’elle pouvait en avoir un ! Les femmes sont des êtres de beauté,
aux talons aiguilles, aux yeux bandés… Il avait été élevé dans la plus pure
tradition… mais elles étaient encensées sinon sensées…
La fin de
l’histoire, dit le seanchai, essayez donc de la trouver !
Le seanchai a
tout pouvoir. Le réel pouvoir de l’irréel ou du réel. Ne l'oubliez pas. Il fait
le fil de l'histoire, les tenants et les aboutissants...
Il avait oublié
les frangins !
Où sont-ils
passés ceux-là ? D'abord, le seanchai dit : n'oubliez pas que les histoires de
famille comportent toujours des secrets... Des secrets d'alcôve, des secrets de
femmes, des secrets... de paternité !
Le seanchai
ajouta que, souvent, l'esprit de ceux qui écoutent est dispersé et n'ont que
leur propre vision de la chose. Que souvent, par expérience il le savait, ceux
qui écoutaient étaient sous l'emprise de leurs propres rêves et ne savaient
discerner l'image qui émanait de leurs esprits et celle que lui, pauvre
seanchai, contait à tous vents !
Le secret
d'alcôve, c'était que tous les frangins donc, n'avaient pas le même père ! Il
est coutume de penser que ce sont les hommes qui batifolent à tout va, mais, de
ce temps-là, les dames s'ennuyaient dans leurs châteaux !
Si Liadain se
morfondait dans son monastère (pas un couvent...), les frères, qui avaient un
fort esprit, vif et perçant ne
comptaient pas dormir de sitôt : la guerre n'était pas finie.
Vaillants, mais
sans le glaive incrusté de pierres précieuses, ils décidèrent de repartir à la
conquête de leur territoire pour défendre les populations, qui, rappelons-le,
n'avaient pas l'air traumatisées...
Les populations,
cela faisait longtemps qu'elles étaient blasées, qu'on ne voyait plus leurs
intérêts, qu'elles n'avaient d'intérêt que lorsqu'ils (les nantis) en avaient
besoin... Ils puisaient dans leurs ressources comme bon leur semblait... Mais
si peu réagissait...
Liadain, toujours
dans le monastère, s'interrogeait sur le sort de Curithir, qu'était-il donc
advenu de lui. Elle avait vu en lui un vaillant guerrier sorti du bout de
l'horizon, là où la terre et la mer se rencontrent. Là où seul le soleil osait
s'aventurer à la fin du jour. Elle croyait en des valeurs qu'elle ne pensait
plus de ce monde : le courage, la sincérité, les valeurs...
« Dia dha mo
riaradh
Dia dha mo shuain
Dia dha mo m'anam
siorraidh
Dia dha m'bhioth-bhuan… »
…
« Dia dha m’bhiot-bhuan »
Elle souffrait de
tant de perversités, de trahisons, de peu de foi en l'être !
Ô Liadain, ton
guerrier n'est point mort, murmura le seanchai, il est au fond d'une forêt
pleurant ta propre mort !
Métamorphosée,
elle le fut !
Soudain Liadain
se leva... Du sombre monastère, elle leva les yeux vers le ciel. Quelque force
venait du ciel, de là où les âmes qui avaient fini leur parcours sur le long
périple des vies, finissaient par se lover au creux des anges.
Et c'est alors
que Liadain, qui a dû s'appeler Jeanne dans une autre vie, quitta le monastère,
non sans dire adieu à Finishair, le préféré de ses moines...
La vie monastique
n'était pas faite pour une descendante des plus grands guerriers celtes ! Elle marcha,
de longs jours, au travers de forêts dont les cimes cachaient le ciel. Au
détour d'une clairière parsemée de petits animaux, elle vit un jeune berger,
nommé Tudur. On dit que cet homme était devenu fou au chant d'une cithare... Il
n'écoutait plus la musique des autres, le discours était devenu sa passion, son
charme aiguisé, son alibi déguisé, qu'il allait dispenser dans les demeures
alentours...
Liadain décida de
se reposer un peu, charmée de ses belles paroles. Elle avait toujours fui les
paraboles, préférant le langage des rues, les conteurs d'un soir, les manants
des villes, ce serait pour plus tard...
Elle se posa
délicatement contre un arbre, adossé lui-même à une falaise qu'elle n'avait vue
venir, tant la forêt était dense !
Tudur ne prêtait aucunement
attention à la vraie personne de Liadain. Mais à l'opportunité d'une rencontre,
qui, apparemment, changeait un peu de ses connaissances habituelles.
Le ton se fit
léger, la plaisanterie chatouillait leurs lèvres.
Le temps passa.
Liadain s'attardait.
La petite troupe
anodine d'animaux des bois allait et venait autour d'eux. Souvent, Tudur se
levait pour aller caresser tant l'animal tant flatter le roi de la forêt... Et
de disparaitre de temps en temps...
Soudain, dans le
murmure des ouailles du pays vaquant à leurs occupations nocturnes pour une
"future affaire", une chouette se leva brusquement d'un arbre tapi au
creux d'une colline avoisinant le village...
Liadain leva les
yeux au ciel.
Sa prière fut
autre. Elle pensa à tous les coeurs meurtris de la terre, à toutes les âmes
blessées de l'univers, à tous les êtres en errance sur ses propres terres. Elle
savait que différents souverains étaient à la conquête de ses terres et des
terres de Curithir. Elle savait cela depuis longtemps déjà. Elle avait pris
position, pour défendre son peuple, et elle s'aperçut tout d'un coup qu'elle
faisait fausse route. Curithir, elle y pensait. Mais où était-il réellement
quand son peuple souffrait ? Tudur, pourtant si proche des âmes alentours ne
s'en souciait guère plus. Shenkin, guère non plus. Tant de prophètes, sous de
faux habits, se pourvoyaient dans les méandres de ses terres...
Ô seanchai, toi
si noble, ne pourrais-tu y changer quelque chose ?
Dia dha mo shuain
Dia dha mo m'anam
siorraidh
Dia dha m'bhioth-bhuan… »
…
« Dia dha m’bhiot-bhuan »
Et son chant
reprit, face au silence de la nuit, face au manant de la vie.
Une voix lui
répondit, sortant du fond de la forêt, comme une mélodie trainante et profonde,
le long des bois et des clairières, se répercutant contre la falaise, pour
mieux se faire entendre.
"Je ne peux, Liadain, changer le cours des choses qui ne sont miennes. Je ne peux que changer la façon de les rapporter. Les choses, les gens qui te touchent, tu ne peux changer leur destin. Il leur appartient. Tu ne peux que discourir avec eux, les entendre, les soutenir. Mais n'oublie pas : leur vie n'est pas ta vie. Toi seule tient les rênes de ta vie entre tes mains. Ne te trompe plus de chemin. Tu es assez sage et avisée pour cela. Il t'appartient d'ouvrir les yeux, et, quand tu auras ouvert les yeux, de t'accepter comme telle, ni plus ni moins importante que qui que ce soit. Et, cela, les soi-disant "grands" de ce monde l'ont oublié. N'oublie pas.... (la voix se fit lointaine) N'oublie pas que chaque être est unique en ce bas monde et que chaque être a sa propre lumière à apporter... N'oublie pas, n'oublie pas...."
Le seanchai dit :
"j'en reviens aux frères. Frères ou frères ennemis, ennemis ou frères, les
histoires de famille c'est plutôt complexe." Pour rappeler un peu l'histoire, les frères n'avaient pas le même
père. Ce qui compliquait l'affaire du
seanchai, qui tentait le tout pour ne pas se mélanger les pinceaux.
Un des frères, au
regard sombre, aiguisé et malin (du moins le croyait-il), sa chevelure était
sombre, son sourire était narquois, il portait un casque noir, qu'il enlevait
de temps en temps, selon le temps. Il était jeune, les dents acérées à souhait
par le désir de pouvoir. Son nom était Hans Da Balanca. Pas les mêmes origines,
ce nom, que celui de Curithir. Pas un celte ? Mais il faut savoir que l'origine
des Celtes n'est pas de Bretagne ou d'Irlande mais d'Europe Occidentale, près
des sources du Danube. Ce qui expliquerait ce nom bizarre...
"N'oublie
pas.... (la voix se fit lointaine) N'oublie pas que chaque être est unique en
ce bas monde et que chaque être a sa propre lumière à apporter... N'oublie pas,
n'oublie pas...."
Liadain se mit à
frémir. elle se sentit soudain menacée. La nuit, le silence, et cette voix,
presque devenue sourde, tapie dans le temps futur ou présent de sa vie... Elle
eut soudain peur.
Elle leva un à un
les voiles qui obscurcissaient son esprit. Une musique s'éleva du fin fond de
la nuit dans la forêt. Elle entendit à nouveau cette voix :
"N'oublie
pas.... (la voix se fit lointaine) N'oublie pas que chaque être est unique en
ce bas monde et que chaque être a sa propre lumière à apporter... N'oublie pas,
n'oublie pas...."
كاروانسرا
Etre sombre, être
de lumière
Vagabond élu des
rivières
Chantre des âmes
qui se confondent
Aux ivresses des
cimes blondes
Enfant des anges
déchus, pâle reflet
Pourfendu à
l'orée
Du devenir et de
l'être
Visage à la
fenêtre
Du rêver et de
l'encens
Je t'entends...
Tu es le repos de
mon âme tourmentée
Tu es la dune, tu
es la jetée
Tu es le rêve, tu
es le réel
Tu es l'éphémère,
tu es l'éternel
Le chant se fit
plus certain, plus présent, plus profond... Caravanserai
Etre d'ombre,
être de lumière
Poète élu des
chimères
Chantre des âmes
qui se confondent
Aux ivresses des
cimes blondes
Enfant des anges
déchus, pâle relent
Dégagé des armes
du temps
Du devenir et de
l'être
Visage collé à la
fenêtre
Du rêver et de
l'encens
Je t'entends...
Tu es le repos de
mon âme déchirée
Tu es la lune, tu
es la croisée
Tu es le rêve, tu
es le réel
Tu es l'éphémère,
tu es l'éternel
"N'oublie
pas.... (la voix se fit lointaine) N'oublie pas que chaque être est unique en
ce bas monde et que chaque être a sa propre lumière à apporter... N'oublie pas,
n'oublie pas...."
Liadain, frémissante, continua d'enlever, un à un, les voiles sombres que généraient les bruits alentours : la guerre, les silences, la nuit... et se leva...
La guerre battait
son plein. Rage acharnée d'une lutte sans merci. Il n'y avait que le sang bleu
qui ne coulait pas. Les frères étaient séparés en deux principaux groupes.
Hans alla
rejoindre Curithir qui semblait avoir recouvré l'ouïe. Partiellement, faut-il
l'espérer.
Un autre frère,
Maewyn Caravven alla rejoindre Tudur dans la forêt, pour réunir un conseil. Sa
bataille sur le flanc central du domaine était terminée. Il avait été battu à
plate couture. Il avait essayé d'en sauver les meubles, comme on dit, en
langage des rues. Mais rien à faire. l'ennemi était implacable. Les meubles
n'avaient pas été sauvés. La population livrée à l'incertitude certaine.
L'horizon à l'ombre des rumeurs. L'avenir à la dernière échéance.
Curithir avait vaillamment combattu mais n'avait pu garder le port. Déjà envahi de nombreux drakkars, il s'était retiré dans un bastion de la haute montagne que l'on nommait "l'insoumise", ou la "sans nom"...
Il décida de réunir sa troupe à Oisg. Il fallait remercier l'un, remobiliser les autres, galvaniser la troupe, convaincre...
Entre autres participantes, Blath et Ishay qui s'étaient retrouvées là pour la première fois, différentes mais complémentaires, et qui avaient leur mot à dire à Padrig, Curithir de son vrai nom.
Il ne manquait que Liadain, éternelle femme mystère dans ces combats...
L'avenir était à reconstruire, sur des ruines de villages parsemés, des ombres de désirs d'un peuple en déroute. Blath n'était pas très à l'aise en société. Et pourtant, ce n'était pas le manque d'idées qui aurait pu la retenir ! Etant sans doute trop consciente des mauvais
côtés du genre humain, elle préférait souvent se taire. Ce n'était assurément pas la manifestation d'une
misanthropie mais d'une certaine désapprobation du comportement humain. Certains, malhonnêtes et
pervers, appréciaient peut-être quand même ses réelles qualités. Elle était consciencieuse à souhait, n'épargnant aucun effort pour mener à bien
toutes les tâches qui lui étaient confiées. Encore fallut-il qu'une tâche lui fût confiée ! Et qu'elle voulût l'accomplir gracieusement !
Elle portait en elle tout un monde de rêves, de désirs, d'imaginaire. Possédée par le sens du mystère, elle avait le désir d'apprivoiser l'invisible, ou au contraire d'être le miroir du monde dans lequel elle vivait en restituant toutes ses mille facettes. Artiste qui s'ignorait, mais de grande valeur, elle s'appuyait sur la richesse de sa vie émotionnelle pour animer sa vie. C'est avec l'âme et le coeur que les combats devraient être menés, avant le corps, le glaive et les oraisons ! Murée dans son silence, elle n'ouvrait la bouche que pour des petits mots, glissés deci celà...
Mais elle cherchait obstinément à fuir toutes les situations de crise ou de conflit, tout comme le crabe cherche à fuir à reculons dès qu'il se sent menacé. Elle continua donc de se réfugier dans le silence ou de s'abriter derrière une attitude résignée, presqu'indifférente. Pour elle, une carapace était presque la seule arme défensive, comme celle du crabe. Malheureusement, sa carapace cachait un peu trop ce qu'elle avait de tendre et elle restait souvent incomprise, inconnue même parmi ceux qui l'approchaient. Elle sourit : ce n'était pas forcément si mal... Elle sentait parmi la foule, des ondes négatives, des marionnettes, des mensonges et leurs adulateurs... Peu de profanateurs admis !
Que faire pour avancer ? Que faire pour prendre confiance, si elle pouvait apporter sa pierre à l'édifice, aider à la reconstruction de sa nation, de sa cité, elle serait bien heureuse... Mais, devant tant de faussetés, de pourparlers d'où il n'émergeait que peu d'ententes (pas assez pour recouvrer la liberté), elle perdait parfois patience. Et surtout la foi.
Où se trouvait la mesure de la compréhension et de l'entendement ? La connaissance de soi et son acceptation ? la liberté et ses valeurs ?
Où es-tu ?
16-07-07
Les luttes fratricides avaient démarré, et son champs dépassait la raison. Un vent chaud soufflait du désert des sentiments qui n'avaient plus leur place.
Ecoutez son chant : (clic droit et ...) 06_Gipsy_Tears
Les pleurs épanchaient leurs flots sur les plaines alentour. Le 13 d'aoine, avait eu lieu une âpre assemblée.Blath avait parlé. Blath avait osé ! Et c'était signer là son arrêt de mort. Maewyn Caravven et Tudur ne le lui pardonneraient jamais. Et pourtant, comme cela faisait du bien de dire la vérité ! Mais que vaut la vérité dans un monde de fausseté ? Même si tous n'étaient pas faux.
De son éclat de vérités, Pôl Chiarmuid (prononcer ch k) eut un sourire sur les lèvres. Elle ne le lui pardonna pas.
Le monde devait aller, son monde devait continuer. Quelles qu'en soient les batailles. Quels qu'en soient les aboutissants.
Elle ne savait pas elle-même quelle en était sa fin, si elle ne doutait de sa finalité.
Le glaive avait été pris. Il ne pourfendrait pas son coeur !
31 juillet - Point de vérité il n'y aurait ? Que diable !
Curithir absent, Maewyn Caravven également ? Que diable !
Les frères se préparaient au combat. mais ce combat-là serait fratricide. Et c'était peut-être cela le pire. De leurs défaites personnelles ou non, ils avaient tourné la page. L'ennemi commun restait tapi dans l'ombre mais un nuage d'orages planait sur leurs propres têtes !
Cela commençait à peu importer à Blath. Elle avait d'autres soucis en tête...
Au loin, dans la forêt, seule, Liadain observait.
06 aout 2007 - Observez le monde celtique.
Il est immense... Il est beau. Il est noble.
Ishay continuait sa lutte avec sa propre personne (!?), reflet magnificent d'une noble dame. Lutte entêtée mais fidèle. Blath en était plutôt fière.
Liadain, seule dans la forêt, au milieu des ombres et des chants sourds de la nuit, penchait son visage sur le côté. Ses yeux étaient perdus dans le plus profond de ses pensées. Fallait-il continuer la lutte ? Elle rêvait d'une île, celle que lui chantait sa mère le soir, sous les douces caresses d'un feu de bois dans l'âtre.
Une île au coeur d'océan. Perdue dans les embruns et les filets de brume étendus à ses pieds.
Aujourd'hui, l'orage tonnait. Et sombres étaient ses pensées.
« Dia dha mo
chaim
Dia dha mo
chuairt
Dia dha mo
chainnt
Dia dha mo
smuain… »
…
« Dia dha
m’bhiot-bhuan »
Il n'y avait plus de prince dans coeur. Il n'y avait que froideur. Ce n'était pas sur son royaume que le sang avait coulé. C'était sur son coeur !
Elle se dit qu'il n'y aurait plus de luttes. Que le destin allait jouer. Qu'il fallait faire confiance au druide.
Le temps allait faire son chemin.
Le temps prendrait les rênes.
"Je ne marcherai plus sur des chemins tortueux, se dit-elle, les plus grands princes, ne seraient-ils que des menteurs ?"
Elle leva les yeux au ciel. Les nuages étaient toujours là. Elle soupira. Et la voix du seanchai revint doucement murmurer à son oreille...
"Je ne peux,
Liadain, changer le cours des choses qui ne sont miennes. Je ne peux que
changer la façon de les rapporter. Les choses, les gens qui te touchent, tu ne
peux changer leur destin. Il leur appartient. Tu ne peux que discourir avec
eux, les entendre, les soutenir. Mais n'oublie pas : leur vie n'est pas ta vie.
Toi seule tient les rênes de ta vie entre tes mains. Ne te trompe plus de
chemin. Tu es assez sage et avisée pour cela. Il t'appartient d'ouvrir les
yeux, et, quand tu auras ouvert les yeux, de t'accepter comme telle, ni plus ni
moins importante que qui que ce soit. Et, cela, les soi-disant
"grands" de ce monde l'ont oublié. N'oublie pas.... (la voix se fit
lointaine) N'oublie pas que chaque être est unique en ce bas monde et que
chaque être a sa propre lumière à apporter... N'oublie pas, n'oublie pas...."
Cher seanchai, tu es cruel ! Mais tu es sage.
Elle reprit, à nouveau, mot pour mot, le chant du seanchai...
Etre sombre, être
de lumière
Vagabond élu des
rivières
Chantre des âmes
qui se confondent
Aux ivresses des
cimes blondes
Enfant des anges
déchus, pâle reflet
Pourfendu à
l'orée
Du devenir et de
l'être
Visage à la
fenêtre
Du rêver et de
l'encens
Je t'entends...
Tu es le repos de
mon âme tourmentée
Tu es la dune, tu
es la jetée
Tu es le rêve, tu
es le réel
Tu es l'éphémère,
tu es l'éternel
Le chant se fit
plus certain, plus présent, plus profond... Caravanserai
Etre d'ombre,
être de lumière
Poète élu des
chimères
Chantre des âmes
qui se confondent
Aux ivresses des
cimes blondes
Enfant des anges
déchus, pâle relent
Dégagé des armes
du temps
Du devenir et de
l'être
Visage collé à la
fenêtre
Du rêver et de
l'encens
Je t'entends...
Tu es le repos de
mon âme déchirée
Tu es la lune, tu
es la croisée
Tu es le rêve, tu
es le réel
Tu es l'éphémère,
tu es l'éternel
Elle s'assit, contre un arbre. Et ses yeux se fermèrent, lentement... Elle rêva. De Curithir. Tel qu'il devrait être. Et qu'il n'était pas.
Prince doux. Prince d'une cité de lumière. Les gens chantaient. Les gens étaient heureux. De feu le père, ne jaillissaient qu'éloges et bonheur. Les frères apprenaient ensemble l'art de la parole, de l'écriture, et de la sagesse. Pour précepteur, ils avaient un homme sage, ouvert à la quiétude et à la paix.
La cité possédait tout ce qu'elle pouvait souhaiter.
L'océan baignait à ses pieds. Le temps était paisible.
Doux rêve, Liadain. Doux rêve...
07 Aout 2007 - Le vent s'était couché. Avec la nuit, les pensées s'étaient levées. Et les étoiles dont la lumière faiblissait sous les voiles de brumes. Au creux d'un rocher, un bruit régulier de "toc, toc", s'évaporait dans la forêt. Les animaux s'étaient endormis, pour les uns, dans les creux des troncs d'arbres, sur un lit de mousse, pour d'autres, dans une clairière, sur un lit de feuilles éparpillées par le vent. D'autres encore, dans leurs tanières, de plus hardis sur une branche couchée au bord du lit de la rivière. Certains, dits animaux nocturnes, s'étaient levés et peuplaient la nuit de leurs maints cris et chants. Drôle de cacophonie aux oreilles de l'humain d'ailleurs !
La nuit s'ornementait d'ombres bleu nuit, de taches plus sombres encore, et de petits éclairs lointains, électrisant les plus apeurés.
Liadain rêvait encore. Que c'est beau le rêve, pâle reflet ou vibrant témoignage de la vie.
Un chantre, qui se serait trouvé là par hasard, aurait de suite pris sa mandoline et chanté ceci !
FLEUR FRAGILE
C’est comme une fleur fragile
Une rose qui aurait perdu ses épines
C’est un monde autre que le vôtre
C’est une musique de perles de rosée
Qui s’enfuit par les portes de son âme
Comme un rêve libéré
C’est comme une fleur fragile
Une rose qui aurait perdu ses épines
C’est un monde de nuées enchantées
C’est une mélodie moins folle que la vie
Qui s’enfuit de son esprit
De son cœur pour un monde de fleurs
Délicat comme un pétale de roses
N’écrasez pas… cette Chose
Sans le savoir vous auriez brisé un cœur
Simple reposée délicate dans ses rêves
La tête posée sur un oreiller de fleurs
Laissez-la encor dans son monde de trêves
Elle se réveillera bien trop tôt
Ne gardez dans votre esprit
Que le sourire de ses nuits
Elle se réveillera bien trop tôt
Profitez du regard heureux
Quand elle ouvrira ses yeux
Puis prenez lentement sa main
Plus délicatement encore ses lèvres
Car elle est une image bien frêle
Mais les rêves sont à la nuit comme la réalité est au jour... et à la nuit ! Diable de chantre, te voilà bien malin !
Un bruit soudain claqua au dessus de la colline. S'ensuivit un grondement sourd et grandissant. Menaçant...
(4 mai 2008)
Longue torpeur, longue agonie.
Liadain était devant un spectacle de désolement : arbres arrachés, toits des maisons envolés, des lambeaux de voiles ornementaient les chemins déserts.
Ses pas hésitants, trébuchant sur des lambris à moitié desséchés, glissaient, ayant peine à lever le pied. Son regard s'étendait sur ce paysage qu'elle connaissait pourtant bien. Longue plaine se lovant entre les montagnes. Comme protégée par elles. On pouvait encore voir la neige au loin, les nuages s'effilocher dans l'espace temporel des saisons. Elle tendit l'oreille... Quelques chants d'oiseaux qui pinaillaient sur un arbre au loin, vestige de la tempête.
"Quelle tempête ?" se dit Liadain, "ô Seanchai, te serais-tu trompé ? Où te trouves-tu en ce moment ?"
"Les pâleurs de mon visage qui se reflètent dans la lourdeur de mon âme tiraillent mes paupières vers les lenteurs du temps . En ce moment même, que fais-tu, toi qui contes l'histoire, toi qui es le pont entre le passé et l'avenir ? Je bouge mes lèvres afin de te faire revivre, je prononce ton nom sans être ton nom ô seanchai ! Réponds !"
Les mots se frottèrent aux montagnes, rebondirent dans les vaux et jaillirent dans le ciel, en un seul faisceau !
Liadain sourit. Un sourire lisse, de celui, qui vient du fond des yeux, faisant luire l'étincelle qui lentement, mais par soubresauts, montait de son coeur.
Elle regarda autour d'elle. Certains paysages sont immuables. Et ce sont ceux-là qu'il faut garder au fond de son âme. Ils transportent votre coeur parce qu'ils font partie de vous.
Parce qu'au delà de leur identité, ils ont cette force d'être qui ne connait pas les frontières. Ce sont les hommes qui en donnent les tons, les dégradés, à force de pugnacité et de labeur, et tous nos sens participent à leurs particularités. Il suffit de fermer les yeux pour s'en imprégner, en faire le tissu de notre chair et voir qu'au delà, notre petite personne est faite de mille senteurs venues de tous continents. C'est ce qui fait notre force, et ce qui fait nos faiblesses parce que le sentiment est proprement humain, que notre corps transporte cela au delà d'une seule vie, au fil des samsara dont nous avons du mal à nous défaire.
"Lâcher prise du temps, lâcher prise des épreuves, et regarder au devant de soi. C'est dur, seanchai, c'est lourd à porter, ces vies, qui ont laissé leurs empreintes au plus profond de moi. En contant l'histoire des autres, tu te détaches de tout cela, tout en en empruntant les images. Avec tes mots, tu m'as incluse dans l'histoire, celle qui fait la vie des hommes. J'ai un nouveau chemin à prendre. Ce n'est pas qu'avec mes pas que je l'emprunterai. Mais avec la force de mon âme et la bonté de mon coeur. Tout ce qui fait mon être et le rend attachant. Je vibre de ce passé et je pleure de ses flèches. Je tremble comme une feuille qui se détache de sa branche et oscille doucement jusqu'au sol. Je suis l'humus, et je suis la semence. Je suis l'arbre, et je suis le bourgeon qui en nait. Je suis le glaive et je suis le guérisseur. Les vaisseaux qui sillonnent les océans et je suis ces océans. Je suis ces chemins de terre et je suis les pas qui arpentent ces chemins. Je suis la montagne au loin, et je suis ces vallées qui se blottissent en leur seing. Je me souviens, seanchai, je me souviens de tes mots."
"Je ne peux,
Liadain, changer le cours des choses qui ne sont miennes. Je ne peux que
changer la façon de les rapporter. Les choses, les gens qui te touchent, tu ne
peux changer leur destin. Il leur appartient. Tu ne peux que discourir avec
eux, les entendre, les soutenir. Mais n'oublie pas : leur vie n'est pas ta vie.
Toi seule tient les rênes de ta vie entre tes mains. Ne te trompe plus de
chemin. Tu es assez sage et avisée pour cela. Il t'appartient d'ouvrir les
yeux, et, quand tu auras ouvert les yeux, de t'accepter comme telle, ni plus ni
moins importante que qui que ce soit. Et, cela, les soi-disant
"grands" de ce monde l'ont oublié. N'oublie pas.... (la voix se fit
lointaine) N'oublie pas que chaque être est unique en ce bas monde et que
chaque être a sa propre lumière à apporter... N'oublie pas, n'oublie pas...."
"Je me rêve et je lève. Je suis mes mots et l'orfèvre de mes dire."
Liadain continua d'avancer. La forêt l'entourait de ses senteurs suaves et mélangées. Son regard débroussaillait les futaies trop entrelacées. Son coeur battait au rythme de ses pas. Qu'allait-elle découvrir ?
"Curithir, la mort et la désolation sont sur mon passage depuis que mes pas t'ont rencontré. Je défais le sceau qui nous liait."
Failte ort féin, a sharian nan tráth,
`S tu siubhal ard nan speur,
Do cheumaibh treun air sgéith nan ard,
`S tu máthair áigh nan reul.
Thu laighe sios an cuan na dith,
Gun diobhail is gun sgath:
Thu'g éirigh suas air stuagh na sith,
Mar rioghainn og for blaith.
Habillé d'ombres au milieu du ciel et de la nuit, son corps se tenait à l'orée de l'univers et des landes alentour. Dressé comme un poing face à l'inconnu, il écoutait le silence des étoiles comme une musique caresse l'oreille du musicien. Son âme s'alliait à son coeur, frémissant des mêmes certitudes qu'apporte la connaissance profonde de soi. Ce n'est point en clamant les mots que la vérité jaillit, ce n'est point par les cris que le silence se tait, c'est par le regard que les êtres se parlent et les corps que les âmes sur un monde réel échangent leurs semblants d'aura. Les perles de l'espace infini transcendent l'horizon de ce qui est donné à l'humain d'appréhender pour la fronde des incertitudes, et les fondre à l'esprit exercé qu'une multitude de vies façonne encore et encore...